La saison digérée, il est temps de revenir sur cette interview que Chris Carter a bien voulu avoir avec Avi, une des fondatrices de X-Files News.
Découvrez la longue retranscription de cet échange avec toute la langue de bois de Chris Carter, traduite par Noisette et Everyme du forum X-Files Memories.
J’écris cette longue critique en sachant qu’elle arrivera tard et qu’elle sera plus bavarde que tout ce que vous aurez pu lire. EW, The Hollywood Reporter, La Mary Sue, Gizmodo, Variété, Guide TV, TV Insider, et même E! vont ou ont déjà fait la critique de « My Struggle 4 » et je sais quoi attendre de telles critiques. Certaines seront tellement honnêtes qu’elles donneront presque l’impression de basculer du côté de la méchanceté, d’autres aussi justes et honnêtes qu’ils peuvent l’être compte tenu de leurs opinions, et certains ménageront leurs relations et prétendront que ce final est audacieux, écrit par un raconteur d’histoire qui fait des choix passionnants, excitants et finalement, qui n’aime pas ce qui est excitant ?
Chez XFN, nous n’avons jamais voulu être l’un de ces sites, pour un certain nombre de raisons. En commençant par le fait que nous n’avions jamais voulu lésiner sur ce pour quoi nous sommes connus, que ce soit bon ou mauvais [NDT : Des fans qui se permettent les critiques] … et puis, par rapport à tout ce qu’on dit sur les sites de fans et les production des fans, nous avons toujours cherché à aller au-delà des clichés et à prouver que nos conversations vont au-delà de la passion, mais adoptent la logique et les grandes attentes que cette série nous a appris à avoir.
Tout ça pour dire que ceci pourrait être ma dernière critique de X-Files, et je ne sais pas si j’avais jamais imaginé que ce serait celle-ci. Ça fait mal.
Quand Chris Carter et moi parlons – et je ne sais pas honnêtement si c’est un privilège ou une rareté, vu toutes les interviews qu’il fait – même si nous ne sommes pas d’accord, je ne peux jamais le blâmer de ne pas vouloir parler malgré toutes les questions et les plaintes. Nous finissons toujours par partager plus que n’importe quel autre site au point que nous ne pouvons pas toujours tout inclure. Et bien qu’au final, ce ne soit pas une compétition de celui qui pourra avoir le plus long échange avec le créateur de la série la plus emblématique de l’histoire de la télévision … quand il s’agit des suites du final de cette saison, cela peut soulager et, à certains égards … presque racheter qu’il n’y ait rien d’autre que de la générosité dans cette conversation d’une heure et qu’aucun coup de poing ne soit retenu.
Il m’est également difficile d’engager une conversation comme celle-ci avec une personne qui, au cours des dernières années – au delà des sentiments contradictoires sur ce que nous a apporté le revival, et sur le caractère personnel de chacun d’entre nous – nous a ouvert sa porte tant de fois, avec une gentillesse sincère, mais presque trop difficile à affronter quand tout ce que vous auriez envie de faire, c’est de lui crier dessus à propos de vos frustrations quant à ce que cette expérience aurait dû être différente. Et mieux.
Donc, nous sommes parvenus tacitement à cet accord, après que nous ayons tous les deux réalisé il y a un moment que nous ne faisons pas semblant et qu’il sait que l’on ne s’amadouera pas l’un l’autre avec de fausses plaisanteries : je lui poserai des questions auxquelles il pourra répondre ou pas, et s’il le fait … je n’ai pas à être vraiment d’accord avec lui après ses explications. Et je n’ai pas à me sentir mal quand je ne le suis pas. Je promets d’être la plus honnête que je peux, et nous avons appris à nous connaître suffisamment pour savoir quand un certain type de ricanement ou de reniflement après une réponse est là parce que je ne gobe pas que l’ADN Alien peut être l’explication à tout et n’importe quoi.
Donc, quand nous entamons cette conversation, nous nous rappelons cet accord et cette appréciation, comme une façon de toucher nos gants avant de se retirer chacun dans notre coin du ring, et quelqu’un, quelque part, sonne la cloche d’un nouveau combat du championnat de lutte X-Files.
« Alors qu’est-ce que tu en penses ? » Demande-t-il, et je peux déjà sentir qu’il s’accroche à tout ce qui est proche, se préparant à ma réponse.
Je lui dis que l’approche de ce final était difficile, pour commencer, parce que j’étais déjà en désaccord avec les choix faits dans « My Struggle 3 » et « Ghouli ». Pour vous, lecteur, je n’ai pas besoin de répéter quelle était ma position au sujet de ces épisodes, mais je lui clarifie au moins qu’il est déconcertant d’accepter une représentation de William qui n’est pas tout à fait ce que nous, en tant que collectif, avions accepté de voir dans cet enfant miracle.
Je suppose que Carter a essayé d’adopter une sorte de posture anti-héros pour son interprétation de William; un adolescent avec des besoins contradictoires et des opinions sur ce que sa vie devrait être, avec une morale qui manque parfois d’empathie. Ceci est soutenu par la notion implicite que cela est peut-être arrivé parce que Mulder et Scully n’ont pas réussi à l’élever. Au bout du compte, même si cela nous fait tous souffrir, lorsque nous avons vu William pour la dernière fois, c’était un bébé, donc toute référence à ce qu’il devrait être est un territoire flambant neuf et inexploré. Tout est possible. Mais à nouveau, je lui explique que c’est une chose difficile à accepter, et que cela a de grandes conséquences dans l’histoire qu’il veut raconter.
« Vous n’avez pas hésité à faire le final de la saison (et peut-être de la série) sur quelqu’un que nous n’avons pas appris à connaître et donc auquel nous n’avons pas pu nous attacher ? Avez-vous déjà réfléchi à la façon dont les gens réagiraient pour faire ce final centré sur lui ? «
« Oui, nous apprenons des choses sur sa vie et combien elle a été dure pour lui, nous apprenons comment il a vécu avec cette prise de conscience qu’il n’est pas une personne normale. Je pense que pour moi, tout est lié (?), qu’il ressent ce lien avec sa mère et qu’il a un lien avec CSM et ses terribles projets; pour moi, tout est lié. » Mais c’est une chose de le comprendre et une autre de vouloir s’en soucier ou même de vouloir entendre cette histoire.
Le fait de représenter William comme il l’a fait et de faire MS4 sur lui crée un problème parce que, en fait, je n’en ai rien à faire de lui. Je ne le connais pas assez; Je n’ai pas assez parcouru sa route. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, il y a aussi le fait que nous sommes obligés d’accepter que CSM est son père et que c’est Miles Robbins qui a été choisi pour ce rôle assez important et maintenant nous devons faire avec.
Même si Chris Carter et Jim Wong ont justifié sa présence et l’ont encensé – et je n’ai rien de personnel contre Robbins – il n’était pas fait pour jouer ce personnage. Je n’apprécie pas sa performance, il n’a pas l’air d’un ado, ne parle pas comme un ado et son phrasé n’est pas assez convaincant. Même dans le dernier épisode, alors qu’il a eu de temps d’explorer la façon d’aborder son personnage, il n’y parvient pas correctement. Au final, sans trop insister sur les limites de Miles, ce qu’il dit et la manière dont il le dit ne dépend pas totalement de lui. C’est une question de dialogue et de mise en scène. Alors, désolée, mais c’est un coup de poing que vous ne pouvez pas éviter, Chris Carter. Le dialogue dans cet épisode est pauvre. Le problème n’est pas l’histoire dans son ensemble, c’est plutôt le degré de développement et la façon dont elle est racontée.
Tout le poids de ce que nous apprenons de William repose sur l’introduction de l’épisode, ce qui a été bien commode pour Carter afin de raconter ou donner plus de profondeur à des faits ou des opinions qu’on pouvait déjà avoir sur les personnages (MS1, MS2, MS3). Pour les trois premiers My Struggle, cela fonctionne assez bien parce qu’on connaît déjà ces personnages.
Ce n’est pas le cas avec William. On apprend tout avec cette introduction, mais on n’a pas le temps de compatir à son sort, de s’identifier à lui ou de comprendre pourquoi il est devenu ce type qui utilise ses pouvoir de façon sadique. En effet, la blague qu’il a faite à ses petites amies était vraiment tordue et le fait de créer des accidents de voiture comme dans DPO témoigne d’un manque d’empathie… En tant que téléspectateur ou simple être humain, il faut s’accrocher pour s’intéresser à lui.
Ça n’aide pas non plus d’être obligé d’accepter que CSM est le père de William. Comme un mauvais coup dans l’estomac qu’on avait anticipé mais qu’on n’a pas pu arrêter, William déclare à quel point il le déteste, qu’il en est malade. Nous sommes d’accord avec toi, William… Mais il n’y a pas assez matière pour amortir l’impact de l’idée qu’on parle toujours de viol médical sans y prêter attention. Il pense que CSM est quelqu’un d’horrible, mais parmi tout ce que Carter choisit d’approfondir, il n’explique pas pourquoi c’est effectivement horrible.
On en arrive au fait que pour que ce soit une bonne présentation de personnage, le focus devrait davantage se faire sur celui-ci et à travers lui. C’est problématique. Le fait d’en savoir si peu sur William et de mettre Mulder et Scully en retrait est contre-productif. C’est un choix risqué pour un épisode final.
Il y a beaucoup à dire sur cette présentation de personnage.
Après cette entrée en matière et quelques crochets du droit du même style, Carter soupire et commence à comprendre pourquoi je ne suis pas en phase avec lui.
Je lui ai également expliqué qu’en faisant ce choix, à ce moment dans l’histoire, il a privé Mulder et Scully des rares récompenses auxquelles ils pouvaient prétendre. Il n’ont aucune forme d’autonomie. Leur héritage – qu’il soit professionnel ou personnel – est quasi non-existant. L’importance des X-Files n’est plus ce qu’elle était, Mulder et Scully prennent de l’âge. Cela a été bien souligné. Leur travail est important mais ce n’est plus une question de vie ou de mort. Leur statut d’agent fédéral leur donne des privilèges, mais en même temps… en menant leurs investigations et en bouclant ces enquêtes, que vont-ils apporter au monde si ces informations ne peuvent pas servir pour le bien ? Comme l’a dit Skinner, tout ce sur quoi ils ont tant travaillé a été scanné et partagé à des entités pas vraiment à cheval sur l’éthique.
Alors… Quand on ne sait pas trop à quoi s’accrocher, il faut bien s’accrocher à quelque chose. Pendant longtemps, j’ai cru que c’était le cas. Mulder et Scully recherchaient leur fils pour le protéger. Peu importe leurs doutes ou leurs craintes. Mais apparemment… ce n’est pas si important.
Depuis MS3, nous attendions le moment où Skinner révélerait la vérité au sujet de William et la réaction de Scully. Nous imaginions jusqu’où il pourrait bien aller dans ses révélations sur son implication. Mais on nous a volé ce moment.
« Elle est en connexion avec son fils, elle a pressenti tout ça avant que Skinner ne le lui dise », me dit Carter. Mais je ne suis pas convaincue. Les faits sont dans la séquence d’introduction, on a ce que William pense du CSM, mais nous avions besoin d’en savoir plus sur la réaction de Scully. Comment elle est arrivée à accepter cette situation, à évoluer sur ce qui a défini son personnage depuis tant d’années, au point de comprendre qu’il vaut mieux laisser partir William.
« Skinner nous fait comprendre ça », me dit-il.
« Ah, vraiment ? » Je ne suis pas convaincue. « Vous m’avez volé ce moment ».
« Peu importe. On le savait déjà, Skinner le savait déjà, on l’a tellement dit qu’on n’avait pas besoin de l’entendre une énième fois », se justifie-t-il.
« D’accord, Chris. On va dire que je suis d’accord. » Je ris, il rit. Mais pourquoi je ris ? Surtout parce que je sais que sinon je m’embarquerais sur une pente glissante. Ça nous mènerait à la question du viol médical et à la façon de jouer aux chaises musicales avec la maternité.
« William reste un miracle – Scully était stérile – donc même s’il a été fabriqué, il reste un miracle ».
« Mais il a été créé par CSM, donc, par définition, ce n’est pas un miracle. Un miracle est censé être quelque chose de magique », lui dis-je. « Maintenant que Scully ne peut plus considérer William comme le miracle qu’elle attendait, qu’il n’est qu’une expérience, pourquoi revenir au concept du miracle ? J’ai toute une série d’objections sur la probabilité d’enfanter pour une femme de 54 ans ».
« Certaines femmes de 70 ans sont tombées enceintes… » propose-t-il. Je lui réponds que ces gens-là finissent en thérapie. Il rétorque que Scully a un ADN extraterrestre… et je ronchonne.
« Mec, il y a tellement de choses qu’on peut rattacher à l’ADN extraterrestre pour expliquer la vie de Scully », lui dis-je en m’esclaffant. Il rit aussi. « Je veux dire, bien sûr, OK, on va dire que oui ». Je tente de trouver un compromis et d’arrêter de rire. « Ah… la science fiction… c’est tellement commode ».
Dans ce match de box imaginé, c’était un joli coup de poing de sa part qui n’a pas fait mouche, et je suis là à me demander s’il va recommencer. Spoiler : il va recommencer.
« Êtes-vous prêt à faire face à toutes les critiques que vous allez recevoir ? La faire tomber enceinte à son âge et si c’est vraiment ce qu’ils veulent ? »
« Je ne sais pas ; ils sont tous les deux sous le choc. Moi – en tant que spectateur et créateur de cette série – je me tiens avec eux au bout de cette jetée à me demander ce qui vient de se passer. Pour moi, ce n’est pas une fin, c’est le début de quelque chose ».
Une partie de moi voudrait lui répondre qu’il est l’auteur de cette histoire et que même si j’adore me dire que les personnages nous parlent, ce qu’il advient appartient à l’auteur. Tout comme je le lui disais lors de notre conversation sur MS2, il faudrait assumer davantage le fait de terminer la saison ainsi, alors que nous ne savons pas s’il y aura une suite. Mais il va encore plus loin : « Est-ce que c’est vrai ? Scully est-elle vraiment enceinte ? Est-ce un miracle ? Est-ce impossible ? Qu’est-ce qui se passe ? Comme toujours dans X-Files, la vérité est ailleurs ».
Beaucoup disent que, au moins, cet épisode est une fin : on discerne l’intrigue, il apporte un certain nombre de réponses, mais je me demande ce que les gens entendent par là. De mon côté, je trouve qu’une fois de plus, le choix des protagonistes au cœur de l’action a privilégié les hommes.
La vérité est que le plus gros problème que j’ai en ce qui concerne la grossesse, mis à part le fait d’une logique douteuse, c’est que Scully soit tellement incohérente et illogique. Ce n’est même pas la grossesse. Scully ne rejetterait jamais l’existence de William en le réduisant au fait qu’il serait une expérience. Elle ne l’a pas fait pour Emily – qu’elle connaissait depuis une semaine et n’a pas portée – et Carter serait sur le point de me dire qu’elle rejetterait et changerait d’avis à propos de William avec cette «facilité»?
Chris fait valoir qu’elle a eu le temps de faire la paix avec ça parce qu’elle l’a su à travers les visions de William ... mais c’est un moment important de ce personnage pour lequel on nous a aussi trompés. Elle n’introduirait pas non plus sa nouvelle grossesse comme un signe en ce moment où ils pourraient bien avoir perdu William, quelqu’un qui la définissait vraiment. En raison de ce lien entre Scully et William – celui que Chris Carter utilise si commodément pour justifier les ellipses – elle a appris à le connaître, plus que Mulder ne l’aurait jamais fait. Donc, cet outil, Chris Carter, rend votre autre argument un peu … problématique.
J’ai réfléchi à cette question depuis que nous étions sur le plateau, et je me suis demandée s’il avait trouvé un meilleur argument que cette réponse.
« Pourquoi Scully n’a-t-elle pas rejoint Mulder à la recherche de William ? » Je demande.
« Elle a senti qu’elle était enceinte et qu’elle se serait mise en danger« , dit-il.
On dirait que je n’ai pas vraiment obtenu une meilleure réponse. De retour sur le plateau, Gillian et David se sont interrogés aussi sur ce choix … et je vais m’en tenir là.
Chris Carter semble oublier commodément que Scully non seulement a erré dans le désert à la recherche de Mulder, mais a aussi combattu quelques métamorphes, une secte folle avec un asticot spécial, une chauve-souris de taille humaine, a couru à travers les bois pour trouver un Mulder mort par terre … ceci alors qu’elle était enceinte. Peut-être qu’elle a appris sa leçon et pensé qu’elle pourrait ne pas être chanceuse une deuxième fois … – pour autant qu’on puisse parler de chance – mais ça semble juste inutile d’essayer de rationaliser ce choix.
Qu’on laisse Scully avoir un bureau. Qu’on la laisse être en colère contre les révélations qu’elle entend réellement. Et pendant que nous y sommes, l’autre femme dans cette histoire – Monica Reyes – avait aussi besoin qu’on lui rende justice plus que ça.
« Donc, vous prétendez que nous avons la propre relation de Scully avec William au travers des visions qu’elle a et qu’ils partagent ensemble. Mais la posture de Mulder quant à son propre rôle de père a été très différente, et timide. » Et Chris Carter n’a pas d’argument contre cela, et il peut venir – et viendra – pour s’opposer à moi à ce sujet. Mulder a-t-il ressenti l’émerveillement à propos de la vie de William ? Oui, mais jamais du niveau de l’ampleur considérable qui a pesé sur la vie de Scully. Je continue. « La recherche de William est définitivement quelque chose qui ne le définissait pas, alors que pour Scully c’était beaucoup plus marqué … en tant que personnage, les décisions qu’elle prenait, les choses qui l’affectaient. Mulder, d’un autre côté, a toujours eu une relation très controversée, que ce soit avec sa propre paternité ou avec le père qui l’a créé ou avec le père qui l’a élevé …
« Hmm, je pense que vous me cherchez … » dit-il.
« C’est trop tiré par les cheveux ? »
« Vous voulez vraiment m’atteindre, je dirais … » Et c’est la première fois qu’il ne rigole pas alors que nous ne sommes pas d’accord sur quelque chose, et je me demande pourquoi. Je ne ris pas non plus … parce que je peux compter et citer le nombre de fois où les réactions de Mulder face à l’implication de Bill Mulder dans le syndicat, sur l’issue de la vie de Samantha, ont été discutées sous une acceptation moins favorable. Et je n’ai même pas besoin de chercher bien longtemps pour développer l’opinion de Mulder sur CSM.
Alors, je le cherche ? Quels sont les devoirs à la maison que ce créateur a fait pour préparer son personnage face au changement capital de devenir lui-même père ? Avons-nous oublié ‘Amor Fati’ ? Fox Mulder est-il jamais arrivé un jour à ce moment rituel que chaque homme ou femme traverse lorsqu’il imagine naïvement quel genre de parent il sera, quand il prétend qu’il ne répétera jamais les erreurs de ses parents ?
Mais je m’égare, je laisse Chris Carter se remettre de ce coup de poing dont nous savons tous que l’arbitre ne l’a pas qualifié d’illégal alors qu’il aurait dû l’être, et passer à autre chose.
« Vous prétendez que cette expérience a défini Mulder, même s’il n’a jamais expérimenté la parentalité. Pourquoi prétendre que « il ne sait pas qui il est, s’il n’est pas un père » ? D’où cela vient-il ? » Je demande.
« Eh bien, il devait le croire – quand il poursuivait William – il devait croire qu’il était le père parce que personne d’autre n’aurait pu l’être. Dans son esprit, de manière déductive ou réductrice, il était la seule personne parce qu’il n’avait pas eu connaissance de l’information qui avait été révélée à Skinner, puis finalement à Scully », tente Chris Carter.
« D’accord, mais si vous prétendez que quelque chose vous a défini comme ça, c’est parce que vous avez pu vivre ça à travers son regard, d’être un père et ce que cela signifie … » être un parent n’est pas seulement une idée, ça arrive avec une structure qui lui donne du poids. « Quelle expérience a Mulder en dehors de ce bref moment ? »
« C’est vrai, mais rappelez-vous, dans l’épisode 8, il dit qu’il a un enfant presqu’adulte. Donc, c’est ce qu’il croit », dit Carter, et c’est un coup de poing qui ne m’effleure même pas. Je peux accepter qu’on prétende que Mulder a l’intention de donner à William une forme d’existence beaucoup plus tangible et crédible que le petit bébé qu’il a vu. Je peux accepter qu’en se convaincant de cela et en vivant avec, cela annule toute sorte de pensée sinueuse. C’est accepter cette existence dans sa vie … mais il n’y a pas grand-chose au-delà de cela qui n’est pas une approche naïve et qui me convainc réellement, en réalité. Donc, je prends une grande respiration et prépare mon jeu de jambes pour un retour.
« D’accord … je vais vous dire pourquoi ça ne marche pas pour moi, » je commence, et il murmure « oh misère » dans sa barbe. « Si vous deviez prendre mon père, qui a été mon père pendant 36 ans, et lui dire demain matin qu’il n’est pas mon père – indépendamment de la biologie – il a eu l’expérience de ces années, étant là pour chaque moment de ma vie. Pour comprendre ce que cela signifie pour moi qu’il soit mon père et ce que cela signifie pour lui d’être mon père. Peu importe ce que vous prétendez, il sera toujours mon père. Ça ne disparaît pas. «
Je n’attends même pas qu’il fasse un bond pour esquiver le suivant.
« Mulder n’a pas cette expérience, et il ne sait pas non plus ou ne comprend pas ce que cela aurait été d’élever William ou de savoir ce qu’il ressentait ou pourquoi il l’aurait ressenti. Il ne saurait pas comment il se serait senti confronté à tous les aspects de la vie de son fils. Il ne sait pas comment être son père pour que cette expérience puisse le définir. «
Et si Mulder, dans toute la profondeur de son propre caractère, prétend que ce qu’il avait mis dans sa tête était suffisant pour qu’il le définisse, alors il est en train de vivre un réveil brutal … parce que quelle que soit la notion qu’il a, elle est juste imaginaire, et il a effectivement vécu dans une situation pire que nous tous. Là où nous savions tous que l’existence de William était une construction de nos désirs, nous savions qu’il s’agissait bien d’un personnage fictif, Mulder amène cette construction à un point tel que cette expérience imaginaire – qu’il n’a pas le droit de posséder – a illogiquement déplacé son chemin et son estime de soi. Bon sang ! Et les gens s’inquiètent que nous soyons trop investis au sujet de ces personnages; personne ne regardait Fox Mulder.
« Je veux dire, d’accord, vous avez raison. » Attendez, quoi ? Est-ce Chris Carter vient juste de dire ça ? « Mulder et Scully n’ont pas élevé William. Mais si Mulder sentait qu’il était le père biologique, il aurait du se réveiller chaque jour avec cette idée, alors je vois ce que vous dites, qu’il n’était pas la personne qui l’a élevé, qu’il n’avait pas ce genre de paternité. Mais Mulder croyait qu’un jour il serait réuni avec William. «
Eh bien, je croyais aussi à cette réunion, mais nous y sommes. Il s’avère que Mulder et Scully ont beaucoup de choses en commun avec nous, dans le sens où nous regardons tous Chris Carter et que nous nous demandons: « Vous nous faites marcher ?! »
« Selon moi, après l’arrivée à l’usine de sucre, la menace de la contagion et de la conspiration tombe un peu à l’eau… lui dis-je. On arrive là et CSM tient absolument à trouver William car il prétend qu’il lui appartient… mais en fait, je n’arrive pas bien à saisir pourquoi il a besoin de lui, pourquoi il est si important ou comment il serait utilisé. On en sait rien ».
« Souviens-toi, me dit-il. CSM veut exterminer l’humanité et tout recommencer. On sait déjà que lui et Scully sont immunisés contre le virus et Monica aussi… on ne sait pas qui d’autre est immunisé. Toujours est-il qu’il y a un enfant immortel, comme on le voit, c’est ce qu’il veut utiliser pour un nouveau monde, cette immortalité ».
A cet instant je l’écoute, mais je me demande aussi combien de personnes sont passées à côté de ça, et comment il peut partir du principe que d’autres enfants que William peuvent être créés alors qu’on nous a toujours clamé que c’était un miracle. Il poursuit.
« La raison pour laquelle lui et M. Y ont besoin de lui est liée à ce que tout le monde veut… Qu’est-ce que tout le monde veut ? On veut vivre pour toujours. C’est le Saint Graal. Donc pour commencer son nouveau monde, tout ce qui importe pour CSM est de trouver cet enfant miraculeux ».
Franchement, je suis perplexe. Je ne pense pas que tout le monde veuille être immortel. Moi ça m’oppresserait. J’arrive à voir où il veut en venir, mais comme nous l’avons vu dans My Struggle 3, une partie du plan consistait à convaincre Scully de la viabilité de ce projet pour l’avenir, et ce n’est pas du tout évoqué dans cet épisode. Scully est censée « voir la beauté de la chose » et accepter de collaborer avec CSM. C’est pas grand chose. Ça va arriver, n’est-ce pas ?
« Pour l’instant il semble y avoir un désaccord flagrant entre Scully et William ». J’enchaîne en lui disant: « Je pense qu’au lieu d’avoir insisté sur des poursuites et des course-poursuites, on aurait dû consacrer du temps à ce genre de question ». Ou bien allonger des scènes qui étaient trop condensées.
« Eh bien, tout le monde veut William, n’est-ce pas ? Chacun pour ses propres raisons. Pour le protéger, comme Mulder le lui explique dans la chambre d’hôtel. Scully aussi veut le protéger, comme elle le dit dans l’usine de sucre ». A ce moment-là elle pense le dire à Mulder, alors que c’était William. « Ils pensent pouvoir le protéger, c’est la raison de ces poursuites. Pour le reste, je pense que les téléspectateurs doivent recoller les morceaux, et pour moi c’est une bonne façon de faire, puisque les informations qu’on vous donne vous permettent de répondre à vos propres questions… »
Bien sûr… Donc nous en arrivons au point de ce combat où vous ne voulez plus m’envoyer de coup, ce serait à moi de m’en infliger ? Il a totalement éludé ma remarque. Nous n’avions pas besoin de tout ce temps consacré à montrer l’incroyable tenue de route de la Mustang au milieu de la campagne de Vancouver, ou de tout ce budget consacré aux cascades pour une démonstration de parkour qui s’éternise et a gâché une bonne partie de la journée de tournage à cet endroit. Une bonne façon de faire, c’est aussi savoir se mesurer. J’ai beau aimer les scènes d’action, j’aurais préféré qu’elles soient plus pertinentes et non au détriment d’autres scènes ou d’autres moments qui méritaient d’être plus développés.
Mis à part le fait qu’elles ne soient pas au cœur de ces scènes d’action, on pourrait aussi aborder le fait qu’aucune femme n’est maîtresse de ses choix dans cet épisode. Même si Reyes conduit, CSM s’empare du volant et appuie sur la pédale. Scully se fait conduire. Erica Price a à peine le temps de parler avant que William ne lui inflige une migraine explosive. Scully qui court vers William ne suffit pas. Elle court après les hommes.
Passons.
« Au début de l’épisode, me rappelle-t-il, l’accroche est différente, « Salvator Mundi » , qui signifie sauveur du monde. On peut considérer ces mots de trois façons : William est-il le sauveur du monde ? »propose-t-il.
« Ou bien va-t-il le détruire… ? » lui dis-je en retour, si on considère que le gamin n’est pas la gentillesse incarnée.
« Oui. Mais est-ce que sa résurrection suggère que l’immortalité nous appartiendra à tous ? Ou bien serait-ce possible si on étudiait William ? Car il est toujours vivant, poursuit-il. Est-ce Mulder le sauveur du monde, qui a tué son père avant qu’il n’extermine l’humanité ? CSM se considère-t-il comme le sauveur, puisque qu’il compte se débarrasser de tous ces gens qui n’ont pas su prendre soin de la planète pour un nouveau départ ? Cela dépend de notre interprétation».
« CSM est-il vraiment mort ? » lui dis-je.
« On se le demande bien ». Oui, moi je me demande encore comment il a pu survivre aux missiles.
« CSM a accès à beaucoup de sciences, on l’a déjà vu se régénérer. Scully a eu ces visions de lui complètement défiguré, et au final il n’y en avait presque plus trace, alors qu’est-ce que ça nous dit ? Pour ce qui est de Skinner et Monica, personne n’a pris leur pouls, alors on ne sait pas. Cette balle l’a-t-elle tuée ? »
Au moins, Skinner est resté fidèle à lui-même. Il a essayé, il les a défendus, il s’est sacrifié pour eux.
Je soupire, parce que si mes calculs sont bons… en mettant de côté les têtes qui ont explosé… les événements de MS4 vont être remis en question. On a bien remis en question MS2, alors pourquoi pas ?
« Peut-on vraiment partir du principe que Monica est immunisée ? »
« Elle est avec CSM, pourquoi serait-elle avec lui sinon ? » dit-il.
« C’est vous qui me demandez ça ?! » Je suis morte de rire, parce que depuis 11 ans qu’on se connaît, notre plus grand désaccord reste l’histoire de Monica Reyes et la façon dont son personnage a été sabordé, mais d’accord, je joue le jeu. « Oui, pourquoi est-elle avec lui ? »
« Souviens-toi que Scully a une vision de Monica qui lui dit que CSM lui a offert l’immunité, qu’elle a accepté, et qu’elle se sent terriblement coupable. C’est la conversation sur le banc dans le parc ».
Je soupire encore et je crois qu’il n’a pas compris que j’étais frustrée. Ça n’a pas de sens, même quand on voit que la mort de Monica est presque accidentelle, puisque Skinner ne peut pas se rendre compte qu’elle essayait de reculer. Les gens disent qu’il y a pour elle une forme de rédemption parce qu’elle a téléphoné à Scully, mais cet appel a mené Mulder à Purlieu. On finit par voir Mulder tuer M. Y. Quoi qu’il en soit : 1) Mulder aurait pu se faire tuer. 2) Mulder a éliminé les ennemis de CSM à sa place, avec l’aide de Reyes. Le truc, c’est qu’elle semble avoir caché tout ça à CSM. Alors… quel était son but ? Avorter le projet de l’intérieur ? Nous ne le saurons jamais. Peut-être.
« Tu sais, Avi. J’avais anticipé toutes tes questions. J’y ai beaucoup réfléchi car tout cela fait partie de la profondeur de cette série, on ne peut jamais se fier aux apparences ».
Vous savez, je le crois. Je pense vraiment qu’il avait anticipé. Mais je ne pense pas qu’il comprenne que certaines de ses réponses – même s’il prétend qu’elles sont logiques, qu’elles soient préparées ou non – ne sont pas très claires.
Certaines questions ne devraient pas engendrer d’autres questions. Ça rend les choses vraiment compliquées. Au final, on perd de vue ce qui compte vraiment.
Malheureusement, pour que je puisse apporter un regard critique à cette série et en parler, j’ai du adopter sa « technique ». Si vous épluchez mes articles, mes remarques sont présentées sous forme de questions, parce que c’est l’âme de cette série. Je dirais même plus, c’est l’âme de la Science Fiction – tout est possible. Cependant, je pense que ces choses ne viennent pas de nulle part, il y a forcément une vérité indéniable. A un moment donné… quelqu’un doit apporter ces réponses aux spectateurs, même si les personnages en sont privés.
« On peut remonter jusqu’à l’épisode « The Erlenmeyer Flask« ( Les Hybrides ) et voir tous ces hybrides humains que Scully savait différents, toute cette science l’a rattrapée ».
« D’accord, mais… il y a eu d’autres manifestations de cette science, alors pourquoi n’avoir pas reparlé des super-soldats, par exemple ? Pourquoi ne pas les faire revenir ? » Voilà le problème. Les outils permettant de donner du sens à cette histoire ont toujours été là. On aurait très bien pu attribuer la guérison de CSM au fait qu’il se serait transformé en super-soldat. Pourquoi s’être lancé sur autre chose ? Si l’excuse est de pouvoir se baser sur la science et les hommes, en faisant l’impasse sur le surnaturel… la science pouvait déjà expliquer les développements précédents.
« Hmm, on ne sait pas ce qui est arrivé aux super-soldats. Ils sont peut-être toujours là. On ne sait pas », me répond-il.
« Dans un sens, William est un super-soldat… » Il a tous leurs attributs, comme Jeremiah Smith. « C’est juste qu’il n’a pas cette vertèbre dans le cou – »
« Oui, il a ces attributs, mais aussi d’autres encore, s’aventure-t-il. Tu sais, quand CSM est venu dans En Ami et a dit toutes ces choses à Scully, ce que la science lui permettait de faire, ne s’agissait-il que de cette science-là ? Ou bien d’une chose que les militaires ne possédaient pas encore ? »
J’aime la façon dont les questions apportent plus de questions, qui apportent encore plus de questions… ça nous prendrait la journée.
« J’ai vraiment aimé l’idée des super-soldats parce qu’on a pu alors s’imaginer que les gens que Mulder et Scully connaissaient pouvaient le devenir, on aurait même pu imaginer que Monica serait un super-soldat pour le revival » lui dis-je, et pitié – oui les rumeurs sont vraies, Annabeth Gish a effectivement écrit la fanfiction sur Monica Reyes – « C’est un agent double qui sert à jouer sur la question de la confiance qu’on a en certaines personnes ».
J’imagine qu’on pourrait aborder ce sujet dans une éventuelle saison 12. Alors… qu’en est-il ?
Round 4 – L’épisode à venir
« Aurons-nous une autre saison ? »
« Je ne sais pas, ricane-t-il. Gillian a dit qu’elle ne reviendrait pas mais moi je dis qu’il ne faut jamais dire jamais. Je ne sais pas ce qui va se passer, et puis la Fox vient d’être vendue à Disney – certains prennent des décisions sans me consulter ».
Je lui dis que le jour où la fusion entre la Fox et Disney a été annoncée, Frank Spotnitz m’a dit en plaisantant qu’il y aurait une attraction X-Files à Disneyland. Le fait que ça puisse arriver ne me plaît pas trop.
« Que se passerait-il si, une fois la fusion faite, quelqu’un se disait que ce serait intéressant de faire une version nouvelle-génération de la série, sans vous ? » C’est un coup de poing en plein plexus.
« Sans moi ? » Il se laisse un temps de réflexion. « Eh bien, mon lien à cette série ne dépend que de leur parole, alors c’est tout ce que j’ai. Leur parole ».
Nous parlons brièvement des épisodes que j’ai appréciés, de mon envie d’avoir plus de mythologie dans la série et je souligne que le fait que d’avoir Ghouli comme épisode mythologique était un soulagement.
Dans un moment d’introspection, nous parlons de ce qui a fonctionné ou non. Nous avons évoqué les choix de montage des scènes pour les spots publicitaires et les attentes que cela suscitait. Selon moi, on en dévoilait beaucoup, les fans ont été trop spoilés. Nous avons eu de faux espoirs qui nous ont empêchés de profiter ou d’analyser correctement certaines scènes, comme la fin de « Nothing Lasts Forever ». Nous parlons de l’ère de la récompense immédiate. Nous sommes d’accord sur le fait que cela retire la magie de beaucoup de choses, mais qu’il était bon de savoir qu’après le choc, les gens ont revu la scène en comprenant la beauté et la profondeur de cette conversation.
Je veux dire, Mulder et Scully se disent que l’un est un dieu pour l’autre, se susurrent des prières, ravivent des flammes éteintes. A+B+C.
« Voilà ce que nous avons finalement vu, mais je dois dire que je suis assez contente », lui dis-je. Et je me demande si ce n’est pas un peu malpoli et s’il a compris qu’on n’a pas été aussi enthousiaste que prévu. « C’est trop implicite, la plupart des gens ne saisiront pas le sens profond. Pourquoi vous vous tirez une balle dans le pied ? »
« C’est drôle, parce que quand on va dans les comic-cons, certains disent qu’il préfèrent les loners, alors on a tous ces gens qui aiment des choses différentes, et j’y prête attention parce que c’est important pour moi. Pour m’assurer qu’on reste dans la veine de ce qu’on avait fait avant. On avait l’habitude de commencer et de finir une saison de plus de 20 épisodes par de la mythologie, avec un double-épisode ou deux, mais avec une saison de 10 épisodes, c’est tout ce qu’on peut faire ».
C’est un choix difficile parce que j’ai vraiment aimé certains loners. Ce qui les a sauvés c’est que certains éléments de la conspiration y ont été intégrés en fil rouge, comme Pulieu dans « This », ce qui a fait avancer les choses.
Mais c’est là qu’il m’assène un coup bas.
« Je voulais savoir… à propos de la question de la grossesse », me dit-il.
« Oui ? », lui dis-je prudemment.
« Quand tu as appris qu’elle était enceinte, qu’est-ce que tu as ressenti ? Sachant qu’elle a 54 ans… Qu’est-ce que tu t’es dit ? » Je n’avais pas signé pour une séance de thérapie ou pour être interviewée par Chris Carter, mais si on ne fait pas de folies tant qu’on peut, après c’est fichu.
« Par rapport à la probabilité ? » J’essaye de gagner du temps pour répondre autre chose que « Est-ce que vous vous fichez de moi ? »
« Oui, quand tu as considéré la chose… » commence-t-il.
« Eh bien, je savais que vous iriez dans cette direction vu le choix du motel St. Rachel, la conversation, et puis – même si c’est une coïncidence – l’endroit où Scully prie dans « Nothing Lasts Forever. Moi, j’aurais presque voulu que vous trouviez un moyen de dire ou de montrer qu’elle suivait une sorte de traitement qui aurait souligné son intention, parce que même si je sais que des femmes d’un certain âge sont tombées enceinte, cela implique un certain travail ou une intervention au delà du naturel ».
Dans un sens, je veux essayer de comprendre son choix et de lui faire comprendre que s’il veut développer cette histoire, il faut y apporter beaucoup plus de détails, comme expliquer comment une femme sans ovules peut tomber enceinte.
« Je sais, mais quand les femmes entrent en pré-ménopause, ça peut être assez tôt ou bien assez tard, et quand Scully dit « I’m past that journey (ce voyage est derrière moi) » dans « Plus One », c’est qu’elle se doute de quelque chose ».
Bon. OK. Et ?
« Ça peut être un miracle de la nature ou bien un miracle de science-fiction… » dit-il, et je repense à cette notion. « Science-fiction » est presque un gros mot à présent.
Vous vous souvenez quand vous aviez 13 ans et que vous vous disiez : « Un jour, j’espère parler de mes règles avec Chris Carter ! » – voilà. Une petite poignée d’entre nous peut maintenant s’en vanter. Je me demande si on est dans les hautes sphères chez les Scouts Filles. Peu importe, je digresse.
« OK, Chris… mais quand on en arrive là, les règles sont irrégulières, parfois oui, parfois non. Il se passe parfois un an sans règles avant que ça s’équilibre. Je sais ; je suis une fille. Et pas seulement, il y a aussi mon histoire familiale. Toutes les femmes de ma famille on fait leur ménopause assez tôt, même ma mère, qui a eu la sienne suite au décès de ma grand-mère. Pour aller dans le sens de votre histoire, douze ans plus tard, elle a fait une fausse couche… mais elle savait qu’elle pouvait toujours concevoir, personne ne lui avait volé ses ovules. Pour le cas de Scully, j’avais besoin d’un intermédiaire entre « cette époque de ma vie est terminée » et « hmm, c’est peut être ce que je veux à présent ». Vous voyez ce que je veux dire ? »
« Hmm, oui, non, je comprends ce que tu veux dire, répond-il dans un style purement californien. Mais ce ne seraient pas les X-Files si des choses dépassant notre imaginaire ne se produisaient pas ».
Ce fichu ADN alien. L’interview se poursuit.
« Alors, avant… quand ils avaient William, et qu’il a commencé à révéler ces pouvoirs – »
« Oui, faire bouger le mobile… c’est ça ? » me dit-il.
« Donc maintenant on a l’enfant miraculeux n°2 » lui dis-je avec prudence.
« C’est un miracle différent, non ? Est-ce un miracle ? Ne serait-ce pas plutôt la magie de la biologie cette fois ? »
« Chris… même si on adorerait ça… Mulder reste le type qui a été infecté par l’huile noire et y a survécu. Il a eu une étrange maladie mentale qui lui a fait prédire l’avenir et y a survécu. Il a ensuite été enlevé, a subi des tests et y a survécu ». Il a raison de rire quand je lui dis ça. « Scully s’est faite enlever, elle a un implant qui a guéri son cancer, on lui a « fait des choses », elle a eu un enfant… vous voyez ? Pauvres gens… oh, et puis elle serait immortelle, selon « Clyde » et « Tithonus » – et CSM aussi ».
« Mais on ne sait pas si la biologie extraterrestre de Scully lui donne les mêmes qualités que William ». Bon. D’accord.
« OK, mais peut-on imaginer que ce Bébé Spécial n°2 sera une sorte d’entité surnaturelle, ou… ? »
« On ne sait pas ». Il fait son Chris Carter et ça commence à me fatiguer.
« Pitié, n’appelez pas le bébé Samantha, pitié ne faites pas ça, lui dis-je déterminée. Ne faites pas ça. J’en suis à vous supplier – ne faites pas ça ».
Il est mort de rire pendant quelques secondes.
« Je veux dire, c’est le cliché n°1 des fanfic familiales. C’est une chose de vouloir honorer certaines personnes, mais imaginer avoir Mulder qui dit « Oh, j’ai enfin ma Samantha… » c’est complètement cucul, alors non. Ne faites pas ça. Ne faites pas ça. Et là je ne supplie même plus, je le mets en garde.
« OK, pour toi Avi… je ne le ferai pas », me répond-il.
« Merci. Je chérirai pour toujours cet instant où j’ai empêché l’irréparable ».
En soi, cette conversation est presque une fanfic. A tous ceux qui ont appelé leur bébé MSR Samantha, pardon si je vous ai blessés. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Si ça peut vous consoler, je me suis toujours dit que William était mal choisi aussi.
« Tu penses que ce sera une fille ? » demande-t-il.
« Hmm… J’en sais rien. Si ? » Il y a une échographie dans un des flashs de Scully ; je pourrais sans doute étudier ça sur Photoshop. Mais je lui parle de ma petite idée. « Dans ma génération, beaucoup de femmes sont tombées enceinte par accident, ma mère en fait partie… La plupart de ces bébés, si ce n’est tous, sont des filles. On rit beaucoup de ça au Venezuela… »
« Eh bien, je pense aussi qu’il y a de plus en plus de femmes sur la planète en ce moment, alors ça a du sens », me répond-il. Ça c’est bien vrai.
« Quels sont vos projets à part aller à la plage et jouer à la balle avec les chiens ? » lui dis-je. A part le fait qu’il doive faire face à une seconde évacuation en un an à cause des tempêtes en Californie, il a beaucoup de temps libre à rattraper, qui avait été mis de côté durant la production.
Pour ce qui est du travail, « j’ai une idée que je suis en train de développer, c’est complètement différent de ce que je fais d’habitude, alors je vais tenter le coup ».
« Que se passera-t-il si Gillian ne revient pas ? » lui dis-je. Je n’en ai pas fini avec cette question alors je relance l’assaut.
« Je ne sais pas ; elle a dit qu’elle ne reviendrait pas ». Il le dit de manière bien plus calme et compréhensive que la réponse toute faite qu’il avait donnée à de nombreuses reprises. « Tu as sûrement vu ses tweets, elle dit qu’elle porte la perruque pour la dernière fois, qu’elle fait ci ou ça pour la dernière fois, alors peu importe sa décision, je la respecte. Elle a deux enfants et elle vit à Londres ; ça a été dur pour elle d’être loin d’eux si longtemps. Je peux comprendre ça. Je ne pense pas que ce serait la même série sans David et Gillian. Je ne pense pas que – je veux dire, qui penserait que ce serait la même chose ? C’est Mulder et Scully, pour toujours… alors ce sont des problèmes qu’on va devoir résoudre comme tous les problèmes qu’on a pu rencontrer durant la série, on doit trouver comment tourner ces problèmes à notre avantage ».
Pas moi – je ne sais pas trop quoi penser.
« Compte tenu des audiences et des incertitudes concernant l’avenir de la Fox, est-ce que vous envisagez de passer par une autre voie pour poursuivre la série ? »
« Bien sûr », répond-il gaiement, et on a déjà eu droit à quelques expériences inventives comme Ghouli.net. « L’autre jour, j’ai blagué à propos d’une comédie musicale X-Files, mais dans les faits, un jeu vidéo narratif très intéressant est en préparation, différent de celui qui est déjà sorti. Différentes approches de l’intrigue de X-files. On verra ».
Alors que l’heure s’écoule et que je réalise avec effroi que je vais devoir transcrire toutes ces réflexions, nous nous accordons sur un point : peu importe qui a remporté ce combat de boxe imaginaire, si tant est qu’il y ait besoin d’un gagnant, Chris Carter est plus qu’heureux de retourner sur le ring.
Chris Carter voudra toujours parler de X-files… et comme il le laisse entendre, aussi fou que cela puisse paraître, il se rend parfaitement compte que l’histoire de ce monde qu’il a créé est loin d’être parfaite. Ça ne le gène pas. C’est l’histoire qu’il veut raconter. Est-ce que ça me convient ? Probablement non, assurément non. Mais je ne cesserai de respecter le fait qu’il soit le créateur de cet univers. Ça n’empêche pas que cette histoire ait pris de telles proportions qu’elle ne lui appartient plus vraiment… mais du coup, cela simplifie certaines réponses et explique quelques frustrations.
Métaphoriquement, je me demande si Chris Carter a déjà considéré le fait qu’on puisse voir William comme la série toute entière et qu’il devrait, comme il le suggère, laisser cet enfant suivre sa propre route.
Si on fait le bilan des mauvais coups, à part ceux évoqués précédemment, il y a le fait que les dialogues n’aient pas été à la hauteur, que le montage ait créé plus de problèmes que de solutions. Mark Snow sera toujours le grand gagnant, tout comme ces malheureuses équipes qui ont dû nettoyer ces voitures et ces pièces pleines de sang.
Même si certains en veulent à Gillian Anderson de vouloir partir – puisque c’est ce qui est prévu pour le moment – elle a pu montrer tout son talent malgré le peu de place qu’elle prend dans cet épisode. Ses pleurs à la fin de l’épisode – peu importe leur motivation – m’ont tellement touchée, et ils avaient une résonance toute particulière que je n’oublierai jamais. C’étaient ceux d’une mère dévastée… seuls les mots étaient mal choisis.
Pour ce qui est de David Duchovny, je pense qu’on peut dire que le Fox Mulder de la saison 11 est l’un des meilleurs Fox Mulder qu’on ait jamais eu. Il y avait ce que David Duchovny lui apporte habituellement, mais aussi une connexion plus marquée avec l’homme qu’il incarne.
J’aurais aimé qu’il conduise moins de Mustangs.
Pour ma part… Je me dis qu’il ne faut « jamais dire jamais » à un tas de choses. Je ne peux pas dire que MS4 ait été une bonne heure de télévision. La saison – dans son ensemble – est vraiment bien et prouve qu’il est possible de bien faire… il manque juste… des ajustements ? De meilleurs objectifs ? Des promesses tenues ? Une fin ? Je suis sure qu’on peut tirer bien plus de leçons de cette expérience.
Malheureusement, Chris Carter… MS4 ne sera jamais ma fin. Ni de cette série, ni de cette saison. Pour moi, la série s’est achevée dans cette église, là où l’écriture a collé à l’essence même de leur dévotion mutuelle. Voilà ce que je préfère. C’est l’un des nombreux points sur lesquels on doit accepter d’être en désaccord. Parce que grâce à vous, j’ai grandi sous le Scully Effect. Ça ne veut pas simplement dire qu’on a voulu devenir des scientifiques, on voulait devenir des gens qui ne cesseraient de remettre les choses en question de manière factuelle, basée sur l’expérience et la logique. Des gens qui cherchent à tout prix la justice.
Avant de m’en aller, si vous me lisez encore, je veux vous offrir ceci. Chris Carter et Frank Spotnitz l’ont écrit. Il est toujours aussi touchant et poignant… et aucune balle dans la tête, aucun fleuve ou missile ne pourra l’effacer.
« Un jour … Tu me demanderas de te dire la vérité – toute la vérité sur le miracle de ta naissance – Tu me demanderas de t’expliquer l’inexplicable – et si ce jour là, j’hésite ou bien j’échoue, je veux que tu saches que la réponse existe mon enfant – C’est une vérité impérissable et sacrée, que tu n’as aucune chance de découvrir par toi-même – alors prends le risque de rencontrer ton parfait alter ego et ton parfait contraire, celui qui te mettra en danger et qui te protégera – Prends le risque de t’embarquer avec lui pour le plus merveilleux des voyages – la recherche d’une vérité fuyante et insaisissable – et si un beau jour cette chance t’est offerte, ne la laisse surtout pas passer mon fils – Les vérités sont ailleurs – S’il t’arrive d’être témoin d’un miracle comme je le suis quand je te regarde, tu apprendras qu’on ne découvre pas la vérité dans les mystères de la science ou dans je ne sais quel phénomène invisible, mais en sondant les abîmes de son propre cœur – Et ce jour là, tu seras bien heureux et bien affligé… car les vérités les plus profondes sont celles qui nous réunissent ou qui nous maintiennent douloureusement, désespérément séparés ».
‘Trust No 1’ – 6 janvier 2002.
Traduit par Everyme et Noisette
OK, c’est bien la confirmation que Carter est devenu nul et ne s’en rend pas compte.
c’est exactement ce que je me suis dit, il a fini par errer dans son monde parallèle et personne n’a pu l’en sortir parmi toute la XF crew… Avant c’était Maybe there’s Hope et maintenant… No hope at all 🙁